Alors que s’est ouvert le 1er novembre à Glasgow en Ecosse, la 26e conférence des parties signataires de la Convention-cadre des Nations unies, sur les changements climatiques, question de se mettre d’accord sur les dernières modalités d’application de l’Accord de Paris, les forêts camerounaises continuent de subir le diktat des sociétés asiatiques, en tête desquelles, les firmes vietnamiennes.
Par Jean Charles Biyo’o Ella
Le dernier rapport de l’onacc, l’Observatoire National des Changements Climatiques est révélateur. Le Cameroun a perdu plus de 1,5 millions d’hectares de forêt entre 2000 et 2017. Une situation alarmante pour ce pays du bassin du Congo, impuissant face à l’invasion vietnamienne dans ses forêts.
Selon un rapport intitulé, « bois volé, temples souillés », publié en 2020 par deux ong camerounaises, le Vietnam reste le deuxième plus grand marché du bois camerounais, après la Chine avec 25% de grumes pillées entre 2016 et 2019.
A Hanoï, les grumes camerounaises ont remplacé les essences d’Asie du Sud-Est qui écumaient le marché. Sauf que ces sociétés vietnamiennes opèrent pour la plupart en toute illégalité. Parmi les essences volées, l’on note le Tali. Un bois exotique réputé pour sa résistance à l’usure.
Le choix du Cameroun
Selon ce rapport du Ced et l’Eia qui demeure d’actualité, le choix du Cameroun n’est pas anodin. L’accès facile à la forêt se fait sans grande difficulté. Les sociétés vietnamiennes ont établi au Cameroun, un modèle commercial d’une simplicité trompeuse. Pendant des années, elles achètent de grands volumes de bois de façon illégale, afin d’exporter une grande partie sous forme de grumes. Une plus petite partie est transformée en planches surdimensionnées ou en grumes équarries, en violation des lois camerounaises en la matière.
Un modèle qui repose sur des relations que les sociétés tissent avec des fournisseurs de bois, qui offrent des grumes illégales fraîchement coupées, mais aussi avec des facilitateurs qui permettent l’exportation des produits dérivés.
La société civile camerounaise ne cesse de dénoncer la corruption entretenue à ciel ouvert par ces exploitants.
Pourtant, officiellement, le Cameroun est lancé depuis des décennies dans un vaste chantier de lutte contre la déforestation et le réchauffement climatique.
Selon une note publiée par la représentation de l’Union européenne à Yaoundé, et reprise par plusieurs medias nationaux, à cause de la coupe des arbres, la perte du couvert forestier national s’accélère depuis plus de 10 ans.
« On estime que le Cameroun perd chaque année 3 fois la surface de sa capitale Yaoundé, soit 183 km² en forêt », soutient l’UE.
Un vrai désastre écologique qui accroît l’impact du changement climatique sur la biodiversité, et met en difficulté les peuples autochtones de la forêt équatoriale, que sont les pygmées bakas, obligés à chaque fois de décamper. Ces communautés sont aujourd’hui menacées d’extinction car, face à une surexploitation des forêts au Cameroun, les pygmées bakas, perdent leur médecine traditionnelle. Ils ne peuvent plus vivre de la chasse pour laquelle ils sont pourtant dépendants. Ils ne peuvent non plus vivre de la cueillette et du ramassage autour desquels est bâti leur petite économie.
A l’occasion de la cop26, une forte délégation camerounaise a effectué le déplacement pour Glasgow. Composée du ministre camerounais des Relations Extérieures, de celui de l’Environnement de la protection de la nature et du développement durable et leur collègue des Forêts et de la faune, cette délégation va tenter de faire valoir les spécificités du Cameroun et les priorités sur les questions en négociations, pour une plus grande justice climatique.