La plupart des exploitants miniers artisanaux au Cameroun utilisent du mercure pour amalgamer de l’or. Mais cette utilisation n’est pas sans conséquences chez les femmes orpailleuses.
Par Jean Charles Biyo’o Ella
Dans les sites miniers artisanaux de kambele à l’Est Cameroun, les femmes orpailleuses appellent les lésions vaginales « les petites blessures ». Pourtant, ces fissures de la surface externe de la vulve rongent au quotidien leur intimité.
Elles qui passent le plus clair de leur temps, trempées dans des eaux souillées, pour laver et tamiser les agrégats broyés, dans l’espoir d’obtenir quelques pépites d’or.
Ecrasées par la douleur interne de ces « petites blessures » et assommées par la pauvreté, les orpailleuses à défaut d’une alternative ont fini par faire corps avec leur pire ennemi, le mercure, ce produit chimique toxique aux conséquences graves sur leur santé.
« Lorsqu’on travaille dans l’eau qui a le mercure pour laver l’or, ça agrandit le sexe », confie Thérèse, assise sur sa petite véranda, marteau à la main pour concasser les morceaux de pierres extraits de la mine et à l’intérieur desquels elle espère trouver son trésor.
L’orpailleuse renchérie en disant qu’une fois la vulve touchée par le mercure, elle perte la sensibilité, et l’appareil génital prend une autre forme.
A quelques mètres de ce qui sert de maison à Thérèse, Madeleine, une maman de 60 ans sort de la mine. Sur sa tête une cuvette remplie de terre et de pierres. A sa main droite, elle tient une vielle pelle avec laquelle elle a fouillé la terre toute une demi-journée, pour extraire ce mélange hétérogène.
La sexagénaire fatiguée, trouve tout de même un peu de force pour parler du mercure. La dame est un peu plus directe et cru dans son témoignage;
« le mercure a déjà rongé les sexes de plusieurs femmes ici. Et leurs maris commencent à les fuir. C’est vrai, moi je n’ai pas eu ce problème jusqu’ici, mais ma belle-sœur et ma fille aînée qui travaillaient toutes deux dans cette mine, ont eu cette maladie. Des petites blessures tout autour de leur appareil génital. Quand il fait chaud, elles ne pouvaient pas porter de sous-vêtements. Elles disaient que l’intérieur chauffait et grattait. On les amené à l’hôpital, la première des choses que le médecin a faite, c’est de leur demander de ne plus travailler dans la mine là où elles sont en contact avec le mercure ».
A l’Est Cameroun, région où l’on enregistre le plus grand nombre d’exploitants miniers, aussi bien artisanaux qu’industriels, le problème de lésions vaginales n’est plus un secret.
Pour le comprendre il faut remonter le processus d’exploitation artisanale. Selon des informations, le mercure est utilisé par la quasi-totalité des exploitants miniers pour amalgamer l’or, c’est-à-dire, séparer le minerai des résidus par le système de captage.
Les villageois qui opèrent donc en deuxième ressort après le passage des grands opérateurs sur des vastes étendues, récupèrent les résidus de gravier dans la mine, les concassent à l’aide des marteaux, écrasent dans la machine pour obtenir du sable et descendent dans des lacs artificiels formés en aval des sites opérés par ces grands exploitants, pour laver ce mélange de sable.
C’est donc à ce niveau que la plupart des femmes sont contaminées. Pendant des heures à moitié trempées dans ces eaux souillées sans outils de protection, les amazones comme on les appelle dans ces lieux, tamisent le mélange de sable. Et au bout ce cet effort, elles peuvent trouver quelques petites d’or qu’elles vendent directement aux acheteurs assis non loin de là. Et parfois après plusieurs heures d’effort, elles quittent cette piscine de fortune sans récompense.
« Vous-même regardez la couleur de cette eau. C’est une eau bien salle qui contraste avec la beauté de l’or » ironise dame veuve Odile.
Le problème explique-t-elle c’est que « pour obtenir cet or à l’état propre, il faut se salir dans cette piscine. Et étant trempée jusqu’à la hanche, tout l’appareil génital est aussi trempé dans l’eau. Et ici à Kambele, tout le monde utilise le mercure. Des chinois qui opèrent en amont jusqu’à notre niveau ici en aval. Tout le monde manipule le mercure». Nous recevons dans cet hôpital, des femmes qui présentent ces allergies au niveau du vagin »
A écouter les témoignages des orpailleuses, nombreuses sont celles dont les lésions se seraient infectées à cause de la négligence.
A l’hôpital catholique de Batouri, l’un des établissements de santé qui accueillent les accidentés des mines, le problème de lésions vaginales des orpailleuses n’est pas aussi une nouveauté. Les cas sont légions et réguliers apprend-on ici. Mais à force d’accueillir ces patientes qui présentent les mêmes pathologies ou presque, le docteur Betsalel Ndifo a fini par établir un lien avec le contact au mercure;
« C’est tout à fait évident pour une femme qui passe le temps dans un liquide qui arrive au niveau du nombril, avec une dermatite de contact, qu’elle ait des lésions au niveau de la peau ou du sexe si et seulement si ce liquide arrive au niveau du sexe. Evidemment, il y a des femmes qu’on reçoit ici et qui ont ces problèmes d’allergies vaginales causées par le mercure ».
Toutefois, le médecin relève d’autres conséquences liées à l’utilisation du mercure notamment le risque d’affection du système nerveux central à cause de l’inhalation des vapeurs du mercure. L’inhalation de vapeurs de mercure peut également avoir des effets négatifs sur l’appareil digestif et le système immunitaire, les poumons et les reins, des convulsions, la perte d’acuité visuelle et auditive, le retard du développement, les troubles du langage et la perte de mémoire.
Mais à toutes ces conséquences, Apolline, une ancienne orpailleuse convertie aujourd’hui en commerçante de vivres ajoute, l’existence des infections des ongles des pieds et des mains.
Pour se faire comprendre elle retire ses pieds des chaussures et présente ses orteils dont les ongles ont été attaqués par des mycoses.
La dame à la cinquantaine entamée reste convaincue qu’il s’agit là, des stigmates de son passage dans l’une des mines de la région de l’Est Cameroun.