Yaoundé, 24 mai 2022 – Des analyses de laboratoire indépendants ont révélé des niveaux élevés de produits chimiques ignifuges toxiques et de dioxines bromées, comprenant des substances interdites par des accords internationaux, dans les jouets, les ustensiles de cuisine et autres produits de consommation fabriqués à partir des plastiques recyclés.
Selon un nouveau rapport publié aujourd’hui par Arnika et IPEN (https://ipen.org/documents/hazardous-chemicals-plastic-products), les analyses des articles en plastique échantillonnés au Cameroun et dans 10 autres pays africains et arabes ont montré que 61 produits, sur un total 434, contenaient des concentrations en retardateurs de flamme bromés* (RFB) supérieures aux limites de protection appelées niveaux de faibles concentrations de POP (LPCLs) proposées par les pays africains pour définir les déchets dangereux dans le cadre de la Convention de Bâle.
Le cas du Cameroun
Au Cameroun, 35 articles en plastique ont été échantillonnés sur le marché , y compris des jouets, des accessoires pour cheveux, des ustensiles de cuisine et autres. Les produits ont été préalablement scannés examinés en vue de déterminer la présence des marqueurs chimiques des retardateurs de flamme bromés et les résultats ont indiqué 5 articles en plastique qui contenaient les marqueurs, ce qui suggère que le plastique comprenait des RFB. Ces produits ont été envoyés à un laboratoire indépendant pour analyser les RFB dans ces produits en plastique.
Les résultats des analyses ont démontré que les produits échantillonnés au Cameroun fabriqués à partir de plastique recyclé contiennent des produits chimiques hautement toxiques et ont révélé que, si ces produits avaient été fabriqués à partir de plastiques vierges plutôt que de matériaux recyclés, alors tous les 5 dépassent les normes de sécurité de l’UE. Les résultats ont montré:
• Les cinq échantillons contenaient le RFB dénommé décaBDE† à des concentrations allant de 40 ppm à 138 ppm. (10 ppm est la limite de sécurité de l’UE pour le plastique vierge)
• Les cinq échantillons contenaient le RFB dénommé octaBDE‡ à des concentrations allant de 9 ppm à 76 ppm.
• Sur les 5 échantillons, six nouveaux RFB ont été trouvés à des concentrations allant de 19 ppm à 225 ppm.
• Le tétrabromobisphénol A (TBBPA), le BFR le plus largement utilisé, a été trouvé à des concentrations allant de 19 ppm à 113 ppm, dans les 5 échantillons.
Un accessoire capillaire a été analysé pour les dioxines bromées et s’est avéré contenir 774 pg TEQ / g, un niveau comparable aux concentrations observées par exemple dans les cendres d’incinération des déchets, confirmant que ces dioxines hautement toxiques se trouvent dans le plastique recyclé en produits de consommation.
« Les retardateurs de flamme bromés et les dioxines sont des produits chimiques hautement toxiques qui n’ont pas leur place dans les jouets de nos enfants ou dans nos maisons », a déclaré M.Aoudou Joswa, Chef de Brigades des inspections environnementales au Ministères en charge de l’environnement et Point Focal de la Convention de Stockholm au Cameroun.
« Des dizaines d’études ont associé ces produits chimiques au cancer, aux affections sur le développement du cerveau des enfants, à l’infertilité et à d’autres problèmes de santé graves. Nos résultats montrent comment le plastique peut empoisonner l’économie circulaire et démontrent le besoin urgent d’adopter des limites plus strictes des POP dans les déchets à l’échelle mondiale pour s’assurer que ces produits chimiques dangereux ne contaminent pas la chaîne de recyclage », a déclaré Me. Semia Gharbi, professeur d’université à Tunis et responsable de l’Association d’Education Environnementale pour les Futures Générations (AEEFG).
Que retenir de l’analyse des produits fabriqués à base de plastique recyclé ?
IPEN, Arnika et leurs partenaires ont acheté un total de 434 jouets en plastique de couleur noire, accessoires pour cheveux, ustensiles de cuisine et autres produits de 11 pays : Burkina Faso, Cameroun, Égypte, Éthiopie, Gabon, Jordanie, Kenya, Maroc, Syrie, Tanzanie et Tunisie.
Les résultats de laboratoire ont révélé que les RFB interdits du fait qu’ils sont des polluants organiques persistants (POP) en vertu de la Convention de Stockholm peuvent être trouvés dans les produits de consommation provenant des marchés d’Afrique et de la région arabe, et que de nombreux produits contiennent des concentrations dangereusement élevées de ces produits chimiques et d’autres produits nocifs.
Il n’y a actuellement aucune limite officielle sur la teneur en RFB dans les produits ou les déchets dans les pays africains et arabes. Cependant, la région africaine a plaidé en faveur de limites plus strictes pour les PBDE dans les déchets en vertu de la Convention de Bâle, afin d’arrêter les importations de déchet électroniques dangereux contenant du PBDE dans leurs pays et de mettre fin au recyclage des déchets en de nouveaux produits ou articles.
« L’Afrique est devenue une destination d’exportations illégales de déchets toxiques et, comme le montre cette étude, des produits chimiques toxiques sont également présents dans les jouets, les ustensiles de cuisine et d’autres produits de consommation vendus sur les marchés des régions africaine et arabe », a conclu Dr. Gilbert Kuepouo, Directeur Exécutif du Centre de Recherche et d’Education pour le Développement (CREPD), organisation de la société civile au Cameroun.
IPEN, Arnika et les onze organisations co-auteurs de la présente étude recommandent:
• Des niveaux de faible teneur en POP (LPCL) plus stricts devraient être appliqués aux déchets afin d’arrêter le flux de déchets électroniques et de plastique issues des véhicules en fin de vie (ELV) vers de nouveaux produits en plastique recyclé. Les pays du monde entier devraient demander des limites plus strictes pour les POP dans les déchets dans les Conventions de Bâle et de Stockholm, ce qui aidera à prévenir l’utilisation de plastiques recyclés contenant des RFB et des dioxines. L’IPEN et Arnika et les onze organisations impliquées dans cette étude soutiennent le faible niveau de POP de 50 ppm proposé pour la Convention de Bâle par les pays africains.
• Les déchets électroniques et les plastiques issus des ELV contenant des niveaux élevés de retardateurs de flamme toxiques devraient être interdits d’entrer dans la chaîne de recyclage. La lacune qui permet l’exportation d’appareils électroniques non fonctionnels en vertu de la Convention de Bâle doit être comblée et des normes plus strictes pour la définition des déchets dangereux doivent être établies dans le cadre des Conventions de Bâle et de Stockholm.
• Les RFB devraient être répertoriés comme une classe en vertu de la Convention de Stockholm. L’ajout de ces produits chimiques en tant que substances individuelles pourrait continuer à mettre la santé humaine en danger pendant des décennies.
• Les dioxines bromées devraient être ajoutées à la liste des POP produits involontairement qui sont réglementés par la Convention de Stockholm. Des dioxines bromées ont été trouvées dans divers échantillons environnementaux.
Leurs niveaux dans les produits alimentaires et de consommation sont inquiétants et montrent qu’ils nécessitent d’être réglementés au niveau mondial comme le sont les dioxines chlorées similaires déjà inscrites à l’Annexe C de la Convention de Stockholm.
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* Les retardateurs de flamme bromés sont des additifs chimiques ajoutés au plastique pour empêcher son inflammation ou la propagation de la flamme, une classe de polluant organique persistant interdit par la convention de Stockholm
† Deca bromodiphényl éthane, un polluant organique persistant (POP) interdit par la convention de Stockholm ‡ Octa bromodiphényl éthane, un polluant organique persistant (POP) interdit par la convention de Stockholm
CREPD- Research and Education Center for Development (Centre de Recherche et d’Education pour le Développement)
Personne-ressource : Dr. Gilbert KUEPOUO, Tel : 677202271 gkuepouo@gmail.com
RNDr. Jindrich Petrlik, Directeur de programme, Arnika – Programme substances toxiques et déchets, Conseiller de l’IPEN sur les dioxines et les déchets +420.603582984 jindrich.petrlik@arnika.org