L’agro-industrie spécialisée dans la production de l’huile de palme brandit sa certification RSPO comme un trophée de guerre obtenu au terme d’une lutte acharnée contre des communautés riveraines qui ne veulent plus entendre parler de cet industriel accusé de spoliation, d’intimidation de pollution et de déforestation.
Jean Charles Biyo’o Ella
C’est un nouveau front de conflit qui vient de s’ouvrir entre les communautés riveraines de Safacam à Dizangue dans la Sanaga Maritime et cette agro-industrie. Les populations contestent amèrement la certification RSPO obtenue le 20 décembre 2020, qui lui permet désormais d’écouler paisiblement son huile de palme et dérivées, puisque, selon cet organisme crée en 2004 dans l’optique de promouvoir la production et l’utilisation durable de l’huile de palme, sa production est durable et les droits des communautés prises en compte sur le plan environnemental, social et économique.
Or tel n’est pas le cas selon Emanuel Elong le président national de la Synaparcam, la synergie nationale des paysans du Cameroun. « Les auditeurs constitués par Safacam ont fait tout, sauf ce qu’il fallait faire », lance-t-il.
« Ils ont discuté avec une poignée de population qu’ils ont pris soin de regrouper dans la chefferie. Une chefferie qui elle-même est acquise à la cause de l’industriel. Nous contestons cette certification qui ne reflète pas de la réalité du terrain » soupire l’activiste de défense des droits fonciers.
Par contre Socfine ecrit sur son site « la Safacam, en coopération avec le WWF Cameroon, a rencontré ce 6 décembre 2020, les chefs de village, les ONG, les planteurs villageois et d’autres parties prenantes de la région pour échanger autour de la certification RSPO et de son impact positif pour chacun. Un échange précieux pour atteindre ensemble cet objectif ».
A Dizangue où se trouve les plantations de cette filiale du groupe Socfin, les riverains affirment que l’agro-industrie a pillé les terres et polluer les cours d’eau. Elle harcèle dit-on et intimide au quotidien les populations contestataires, ceci avec la complicité de certains chefs traditionnels et autorités administratives. Dans ce contexte, relève l’un des leaders communautaires vent debout contre le mastodonte de l’huile de palme,
« il est difficile de comprendre que Safacam ait réussi à obtenir une certification RSPO alors que les pratiques rétrogrades décriées il y a des dizaines d’années continuent d’être pratiquées sur le terrain. Comment peut-on penser que Safacam soit une entreprise responsable lorsque les communautés continuent de pleurer leurs terres spoliées ou continuent de tomber malades parce qu’elles consomment une eau polluée par les décharges de ses usines ? Comment cela a-t-il été possible dans ce contexte où nous ne pouvons pas réclamer nos droits à cause des multiples intimidations » ? s’interroge-t-il.
Un vieux conflit foncier
Le problème entre la Safacam et les communautés remonte il y a plus d’un siècle. L’on parle des années 1897. Le Cameroun à l’époque est sous protectorat allemand. Safacam entreprend donc développer ses plantations dans la localité de Dizangue région du littoral. Ainsi, plusieurs communautés se verront spolier de leurs terres sans dédommagements. A cela va s’ajouter au fil des ans, l’épineux problème de cette pollution de l’environnement.
Depuis plusieurs années, les communautés veulent faire entendre leur voix. Elles dénoncent à chaque fois le dialogue de sourd avec la multinationale contrôlée par le groupe Belgo-Luxembourgeois Socfin, qui a dressé devant elles, un rideau de fer.
Ces populations locales estiment en effet ne bénéficier d’aucune retombée significative en matière de développement, malgré les bénéfices importants réalisés par leur grand voisin.
De plus, elles ne manquent pas de dénoncer la déforestation massive qui s’est accrue ces dernières années. Car le palmier à l’huile dans la Sanaga maritime est devenu la nouvelle arme de déforestation massive.
Selon une note publiée sur le site de Socfine le 16 janvier 2019, pour expliquer pourquoi Safacam a tant souhaité obtenir une certification, l’on apprend que c’est parce que les standards et exigences de cette certification correspondent « parfaitement » aux valeurs de Safacam, c’est-à-dire: produire une huile de palme durable profitable à tous! Assurer le développement économique des régions reculées, veiller au meilleur niveau de vie pour les communautés locales et protéger l’environnement.
Mais pas assez pour faiblir la colère des riverains. L’on apprend que plusieurs plaintes à ce jour ont été déposées par la société civile auprès de l’organisme de certification et auprès de l’organisation d’accréditation pour non seulement dénoncer les « défaillances » observées dans le processus de certification, mais aussi demander l’annulation pure et simple de ladite certification.